Concours de pêche
Posté : 18 mars 2009, 08:51
La plus grosse prise du festival de pêche d’Argungu (Nigeria), le 20 mars 2004, un poisson de 80 kg
© AFP/Archives Pius Otomi Ekpei
ARGUNGU (AFP) - mardi 18 mars 2008 - 10h51 - Alignés sur la rive du fleuve Sokoto, ils sont des milliers, en guenilles et à moitié nus, perchés sur des chevaux. Filets et calebasses tournoient au-dessus des têtes. Une fumée noire s’élève, c’est le signal d’une ruée frénétique dans les eaux boueuses et jaunâtres.Les eaux deviennent tumultueuses, comme prise de folie, envahies par ces milliers d’hommes qui, à peine descendus de leurs montures, plongent, éclaboussent, agitent les bras dans l’eau à la recherche du plus gros poisson pour remporter le trophée du festival annuel d’Argungu, dans l’extrême nord-ouest du Nigeria.
Certains, dont seul émerge le torse courbé sur les eaux, tentent d’attraper des poissons à mains nues, tandis qu’une pirogue remplie de joueurs de tambour de cérémonie se fraye difficilement un chemin dans cette masse gesticulante et hurlante de 10.000 hommes. Certains ne sont âgés que de 10 ans à peine, d’autres sont déjà grisonnants, mais la ferveur est la même.
“Avec l’aide de Dieu, je vais gagner un prix. Et puis sinon, je vendrai ce que j’ai capturé”, raconte Abubakar Sahavi, un pêcheur professionnel de 30 ans, juste avant la ruée dans le fleuve.
Le festival a été créé il y a des dizaines d’années pour symboliser la paix retrouvée entre les communautés d’Argungu (environ 1.000 km au nord de Lagos) et l’Etat voisin de Sokoto.
Outre le concours de pêche, les habitants, la plupart des paysans, se mesurent dans d’autres compétitions: attraper des canards, égorger des chèvres.
Le reste de l’année, la pêche est interdite dans la portion de fleuve réservée au festival, et les contrevenants risquent au minimum cinq ans de prison.
Des pêcheurs participent au festival de pêche d’Argungu,au Niger, le 20 mars 2004
© AFP/Archives Pius Otomi Ekpei
Les petits poissons sont jetés dans des calebasses accrochées à chaque pêcheur. Les gros, objets de toutes les convoitises, sont en revanche ramenés au sec dans des rugissements de victoire et immédiatement pesés.
Cette année, le vainqueur a sorti du fleuve une pièce de 65 kilos.
Si les techniques de pêche n’ont pas changé ici depuis des siècles, le festival n’a en revanche pas pu résister à la publicité et aux sponsors qui se battent pour accrocher leurs banderoles jusque sur les pirogues.
Bien que la région soit très majoritairement musulmane, une célèbre marque de bière nigériane a installé deux bouteilles gonflables géantes sur les berges et offre les plus gros lots du concours: une voiture japonaise, des motos et des motocyclettes aux couleurs et au logo du sponsor.
Une compagnie sud-africaine de téléphonie mobile a quant à elle peint son logo jaune et bleu partout sur les murs, et distribue aussi des prix, tandis que des hôtesses jettent des tee-shirts gratuits à la foule agglutinée au pied d’un podium dans une musique assourdissante déversée par des haut-parleurs géants.
Mais la modernité s’est aussi invitée cette année de façon plus inquiétante. Réchauffement climatique oblige, les pêcheurs ont dû se battre contre les jacinthes d’eau qui envahissent les eaux, et ils ont souvent remonté dans leurs filets des déchets de plastique.
Publié dans Economie | Mots-clefs : afp, article, Economie