Météo : 2011 sur la voie des records de sécheresse
Novembre est sec, dans la continuité d'une année 2011 si chiche en pluie qu'elle pourrait
monter sur le podium des années les plus sèches depuis un siècle dans la région
À Bordeaux, le record date de 1921, avec 444,9 mm. Il faudrait un mois de décembre bien sec
pour qu'il soit battu. Photo Thierry David
Selon les relevés de Météo France qui figurent dans l'infographie ci-dessous, nous sommes
dans les temps des records. À La Rochelle, l'année la plus sèche jamais recensée correspond
au millésime 1989. 523,4 mm d'eau avaient alors arrosé la ville. Ce 20 novembre, le cumul
annuel se limite à 399,5 mm. À Bordeaux, le record date de 1921, avec 444,9 mm. Il faudrait
un mois de décembre bien sec pour qu'il soit battu, mais il faudrait que décembre soit à
l'inverse très pluvieux pour expulser 2011 du podium des années de sécheresse, la médaille de
bronze étant détenue par 2005 (595,8 mm).
Pour bien poser l'anomalie, il suffit de constater que La Rochelle, Bordeaux et Agen sont, à ce
stade de l'année, au niveau de la pluviométrie moyenne de… Séville, en Andalousie. Le record
de sécheresse annuelle est d'ailleurs menacé à Agen : 444 mm en 1953. Il est plus récent
mais tout aussi fragile à Biarritz : 1 056,6 mm en 2006.
Cette sécheresse bien réelle concerne peu ou prou l'ensemble de la façade ouest. Plus au
nord, la Bretagne, la Normandie et le Bassin parisien ne sont guère plus humides cette année.
Dans la région, seul le piémont pyrénéen se situe plus près des normales. Au grand dam des
estivants, les pluies abondantes et persistantes se sont limitées à la période juillet-août. Avec
une décade particulièrement pourrie à partir de la mi-juillet.
La décennie était très sèche
Ce décalage s'accompagne de températures obstinément supérieures aux normales. Là
encore, seul l'été a fait exception. À Mont-de-Marsan, le thermomètre affiche en moyenne 4
degrés de plus que la normale en ce mois de novembre. À Bergerac, 5 degrés. Au cœur de cet
automne chaud et sec, la végétation ne sait plus trop où elle en est. Les rameaux
bourgeonnent et les cèpes se sont partout invités durant le week-end du 11 Novembre.
L'eau que l'on utilise et que l'on boit étant tombée du ciel à un moment ou à un autre, cette
situation pose question. D'autant plus que le Sud-Ouest connaît depuis dix ans une tendance
assez nette à la baisse des précipitations. Sur les quatre stations étudiées ci-dessous, au
moins une année récente figure parmi les trois exercices les plus secs depuis le début des
relevés : 2005 à La Rochelle, Bordeaux et Agen, 2001 et 2006 à Biarritz.
Plus frappant encore, l'essentiel de la décennie 2002-2011 s'est avéré très chiche en pluie. À
Bordeaux, les totaux annuels des précipitations ont été inférieurs à la normale (calculée sur la
période 1971-2000) neuf années sur dix. Huit fois à Agen, sept fois à Biarritz et à La Rochelle.
De quoi corroborer les projections prudentes des climatologues qui, dans un contexte de
réchauffement climatique global, ont tendance à considérer que le Sud-Ouest de la France
devrait connaître à l'avenir de moindres précipitations.
Les touristes et les autres
Tout cela constitue d'excellentes nouvelles pour les cafetiers qui disposent d'une terrasse et
pour les loueurs de gîtes. Chez les agriculteurs, en revanche, les signaux envoyés par le ciel
azur ne laissent pas d'inquiéter. Durement touchés au printemps, les éleveurs n'ont guère
profité d'une repousse anémique cet automne. Les stocks de paille permettront de terminer
l'hiver, pas plus.
Les céréaliers ont, eux, enregistré d'excellents rendements de maïs grâce à cette pluviométrie
atypique qui a abreuvé la plante au moment où elle en avait le plus besoin, durant l'été. À
l'exception de Poitou-Charentes, où la sécheresse a été plus cruelle encore. Dans ce
contexte, l'annonce cette semaine de la mise en œuvre d'un « plan d'adaptation de la
ressource en eau en agriculture » a été fraîchement accueillie par la profession. Ce plan,
cosigné par Nathalie Kosciusko-Morizet, la ministre de l'Écologie, et par Bruno Le Maire, celui
de l'Agriculture, prévoit la création de retenues d'eau. Mais aussi, c'est le point qui fâche, la
réduction des volumes prélevés sur 14 000 hectares. Sur ces terres, du soja pourrait prendre
la place du maïs.
Abondamment évoquée au printemps, la nécessaire réduction des prélèvements fait écho à
l'état des nappes phréatiques, très dégradé. Dans son dernier point de situation, au 1er
novembre, le BRGM (l'établissement français des géosciences) indique que 79 % des
réservoirs affichent un niveau inférieur à la normale, en particulier les nappes du bassin de
la Garonne. « Cette situation est le résultat de plusieurs années de déficit pluviométrique »,
avertit le BRGM. Plus singulier à cette période de l'année, 62 % des niveaux sont encore
orientés à la baisse, dont certains secteurs d'Adour-Garonne. Les spécialistes ne cessent de
le répéter : si la pénurie des pluies devait perdurer, la compétition entre les différents
usages de l'eau (eau potable, prélèvements agricoles, soutien des débits d'étiage, etc.)
deviendrait féroce.
Les canicules plus fréquentes
Très attendu, le rapport spécial du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (Giec)
sur les épisodes extrêmes a été publié hier. Mis en ligne sur le site du Giec (http://www.ipcc.ch), il
étudie pour la première fois le lien entre les sécheresses, les inondations, les précipitations
intenses et le réchauffement climatique global dû à l'homme.
Ce rapport est marqué du sceau de la prudence scientifique. Loin de la caricature militante
dont les affublent les climatosceptiques, les experts prennent soin d'indiquer que « beaucoup
d'événements extrêmes continuent à être la résultante de la variabilité naturelle du climat ».
Au vu des observations réalisées depuis 1950, ils ne trouvent pas de preuve d'une
augmentation du nombre et de l'intensité des cyclones tropicaux en lien avec le
réchauffement climatique. Ce constat vaut, plus localement, pour les tornades. On ne
conclura pas non plus que le passage de tempêtes dévastatrices dans l'hémisphère Nord
(Martin et Lothar en 1999, Klaus en 2009, Xynthia en 2010) est corrélé aux changements
climatiques.
Plus de vagues de chaleur
En revanche, il apparaît que les sécheresses et les vagues de chaleur sont plus longues et
plus intenses en Europe du Sud. Selon les climatologues, elles accompagnent une hausse
indéniable du nombre de jours et de nuits chaudes en Europe, en Amérique du Nord et en
Australie. Ces épisodes de chaleur sont probablement en lien avec la hausse des émissions de
gaz à effet de serre (le dioxyde de carbone, le méthane, etc.) dues aux activités humaines.
Les perspectives posées par le rapport ne prêtent guère à rire. D'ici à la fin du XXIe siècle, les
épisodes de canicule vont devenir plus fréquents. Avec de fortes différences suivant que l'on
jugule ou pas l'envolée des émissions de gaz à effet de serre. Si le laisser-faire devait
prévaloir, les canicules, qui reviennent statistiquement tous les vingt ans, devraient survenir
un an sur deux. Mais seulement un an sur cinq si un effort collectif de réduction des émissions
est entrepris. Les climatologues alertent aussi sur l'augmentation probable des pluies
diluviennes.
Ce constat scientifique sera soumis à la communauté internationale qui se réunira dans dix
jours à Durban, en Afrique du Sud, pour un nouveau cycle de négociations sur le climat. Libre
aux décideurs d'en faire des cocottes en papier, comme à l'accoutumée. Ou de faire preuve
de responsabilité pour l'avenir, ce qui, au vu des conférences passées (Copenhague, Cancún),
relève de l'utopie.
J.-D. R.
